Les dossiers de l'Accord Caviste
Parlons un peu de vins natures
Un vin est dit « nature », lorsque sa réalisation se fait sans aucun intrant de synthèse et ce du cep jusqu’à la bouteille...
Qu'est-ce qu'un vin nature?
Un vin est dit « nature », lorsque sa réalisation se fait sans aucun intrant de synthèse du cep de vigne jusqu’à la bouteille et sans intervention de modification des jus (micro-oxygénation, collage, concentration du moût, filtration,…). Les vendanges sont manuelles. Le vigneron se positionne comme un facilitateur du procédé de vinification, s’assurant de la grande qualité de ses vendanges ainsi que de l’hygiène de son chai. Pour ce faire, il s’attache à maintenir l’équilibre entre la vie de ses sols, le bon développement de la plante et la production en accord avec le climat qui se présente. L’idée derrière n’est pas nouvelle ; favoriser les bonnes conditions d’épanouissement du vivant lui donne une meilleure résilience face aux maladies et aux aléas climatiques.
Un vin nature est-il biologique ou biodynamique?
Officiellement non, pas nécessairement. Néanmoins, vu que le label bio plafonne ou interdit bon nombre d’intrants de synthèse à la fois dans les vignes et lors des vinifications, les vins natures respectent, à fortiori, le label bio. Pour la biodynamie, il y a une subtilité. La biodynamie impose de faire usage de préparations biodynamiques (dont la fameuse bouse de corne 500) ; si le vigneron ne les emploie pas, il n’est pas dans ce cahier des charges.
En “nature”, le vigneron peut utiliser des traitements qu’il fait lui même, à base de plantes ou d’éléments de compost pour les mettre dans ses vignes. Lorsqu’il utilise du cuivre, c’est en général selon le standard biodynamique (soit 25% de cuivre en moins qu’en bio et conventionnel). Dans le chai, seules les levures naturellement présentes sont actives ; puis le vin se repose, en attendant sa mise en bouteille. L’ajout de sulfites est uniquement considéré lors de cette ultime étape. Lorsqu’il est employé, la quantité doit être indiquée et le total ne doit pas excéder 30 mg/L de soufre total pour les vins rouges (réputés moins fragiles). A titre de comparaison la loi autorise jusqu’ à 150 mg/L, le label vin Agriculture Biologique jusqu’à 100 mg/L et label Demeter (biodynamie) jusqu’à 70 mg/L (toujours pour les rouges avec sucres <2g/L). Nous rappelons aussi que la création de vin produira de toutes façons des sulfites ; certains vins en ont naturellement parfois jusqu’à 20 mg/L.
Faire du vin avec ou sans œnologie et agriculture « modernes »?
La préoccupation pour les vins naturels n’est pas récente. L’apparition de l’œnologie moderne, à savoir la compréhension des principaux processus fermentaires et physico-chimiques de la réalisation du vin et comment interagir sur eux, a été marquée par le travail de Pasteur mais aussi de Chaptal (et bien d’autres). Ceci nous ramène donc aux XVIII – XIXe siècles. Déjà, à la fin des années 1880 des auteurs scientifiques se penchaient sur les différents éléments présents naturellement dans les vins et dénonçaient les pratiques de correction voire pire, de falsification qui avaient alors cours. Félix Masure (diplômé de l’ENS et agrégé en Sciences), préoccupé pour sa santé par la nature des vins qu’il consommait, le dit sans détours dans son livre Propriétés Hygiéniques des Bons Vins Naturels, 1896, « Un vin naturel, est produit exclusivement avec des raisins frais ». Raisins “frais”, car à cette époque certains faisaient du vin avec des macérations de raisins secs… tout un programme.
A l’œnologie s’ajoute l’indissociable agronomie, qui sous sa version modernisée elle aussi utilise la science pour appuyer les paramètres généraux du cycle de fructification de la vigne (lutte contre les nuisibles et maladie, soutient de la nutrition,…). Les vignerons savent donc depuis plus d’un siècle déjà accompagner la biochimie naturelle du vin et sa production pour l’orienter selon leur volonté ou voire tout simplement pour sortir une cuve ou une récolte d’un mauvais pas.Or, les vignerons qui s’engagent sur la voie « nature » pourront dans l’absolu voir se perdre une partie de leur récolte ou de leur cuvée par choix de non intervention. Les conséquences de telles décisions reposent sur des critères et des contraintes propres à chaque terroir et à chaque équilibre pro / perso : modèle économique et philosophie du métier. La voie des vins natures est très exigeante. Sa compatibilité va de pair avec des propriétés à taille humaine, en général moins de 10 hectares (voire beaucoup moins), un travail de funambule à la vigne et au chai et des non-objectifs de rendement à tout prix. Si le vigneron engagé dans cette voie fait « un écart » à la démarche, la transparence est de mise, et il communique à ses clients ses choix en quantifiant la ou les interventions qu’il a jugées nécessaires d’effectuer.
Que penser de tout cela?
Entre les deux approches, à savoir utiliser de la chimie de synthèse ou non, il y a autant de vignerons qu’il y a de vins. Ceux qui disent que sans “aide extérieure” le vigneron ne peut faire de bons vins ont tort et ceux qui disent qu’un vin réalisé sans “aide extérieure” est comme il est, et ne saurait être soumis à une critique gustative, ont tort aussi. L’art est d’accorder les différents paramètres de l’éco-système de la vigne et du chais, avec son modèle économique. Nous pensons que le mode de culture et de vinification doit être justifié par une vision assumée et non subie (dette économique, pensée uniquement productiviste, idéal jusqu’au-boutiste).
Jean-Marc Tard, un des rares vignerons qui fait des vins S.A.I.N.S, considère pour sa part que « la saveur des raisins [et donc du vin] est le fruit d’un juste équilibre entre la biologie du sol, le système racinaire, le système foliaire de la plante »…… Et en tant que caviste, nous rajouterons « et le vigneron ».
Pour goûter, par ici !
Parfait sur un tataki de boeuf!
Val de Loire, Vendée
Domaine des Jumeaux
Suivez le petit Pouçet!
Val de Loire, Vendée
Domaine des Jumeaux